Accueil | Comprendre l'islam | Averroès, référence méconnue des djihadistes contemporains

25 juillet 2015 | Comprendre l'islam

Averroès, référence méconnue des djihadistes contemporains

AverrosLe professeur Luis Gomez Garcia (Madrid, 1967) est professeur titulaire de la chaire d’Études Arabes et Islamiques de l’Université Autonome de Madrid. Dans son Diccionario del islam, éditions Espasa, paru en 2008 avec le concours du Ministère de la culture espagnol, l’entrée « Jihad » rappelle que le paragon de l’islam des lumières, référence obligatoire d’un islam présenté tolérant, était lui même favorable au jihad offensif (nous l’avions déjà évoqué dans un article) :

« Le Jihad belliqueux, s’il recouvre un caractère défensif, recouvre, plus fréquemment, un caractère offensif et économique (> Butin). Son origine est liée à l’expansion de l’Etat islamique, et, comme le signale Averroès (1126-1198) dans son Bidâyat al-muchtahid wa-nihâyat al-muqtasid, ne fut pas une fin en soi (le jihad est le résultat du fâsad, du désordre et de la corruption), mais bien mieux un moyen légitime pour que l’Etat puisse accomplir sa mission ultime: la concrétisation de l’ordre universel islamique. Le jihâd tenait un caractère subsidiaire, auparavant devaient être remplies certaines conditions, comme le recours à des moyens pacifiques pour convaincre la population de rejoindre d’ordre islamique. Dans ce sens, selon Averroès, l’objectif du jihad dans le sentier de l’islam n’était pas exclusivement la conversion, mais également, une fois soumise l’Arabie paienne, la capitulation de la population dhimmi limitrophe (Chrétiens et Zoroastriens) et leur soumission au pouvoir califal, symbolisée par le paiement de l’impôt de la capitation ou jizya. Ce jihad de caractère offensif fut consubstantiel à l’Empire islamique, ou, ce qui revient au même, à l’expansion de l’islam vers les territoires non islamiques ( > dar al -harb, rabita) , et, en termes politiques, il servit tant pour légitimer le califat que pour souder la oumma. Il est symptomatique que Abd Allah Azzam (1981-1989); « l’imam du jihad » pour le jihadisme moderne, recourre, entre autres, à Averroès dans sa démonstration doctrinale de l’obligation du jihad en islam. » (page 362)

Le professeur Gomez Garcia présente le profil du théoricien jihadiste à l’entrée « djihadisme » de son dictionnaire page 365 :

« Abd Allah Azzam fut un militant actif des Frères Musulmans jordaniens, diplomé de l’Université islamique d’Al-Azhar. Il rompit avec les Frères jordanniens en 1980 lorsque ceux-ci refusèrent de s’engager militairement en Afghanistan en se contentant d’aide humanitaire. Deux oeuvres de Azzam sont des classiques du jihadisme: Ilàn al-jihad (La déclaration du jihad, 1984) et Rejoins la caravane, (1987). Dans le premier ouvrage, Azzam établit que le jihad est une obligation individuelle (fard al-ain) et soutient qu’il est la majeure forme de dévotion, pour la sauvergarde de l’islam et de ses maux internes – impiété (kufr) et sédition (fitna)– et surtout, contre le pire mal qu’est l’idolatrie (shirk) dans toutes ses formes, mêmes modernes -consumérisme, matérialisme, individualisme, athéisme-. Azzam s’appuie sur toute la réserve des hadith, présents dans Al-Manar (le phare), la volumineuse compilation du juriste neohanbali Ibn Qayyim Al-Jaziya (1290-1350) »

Al-Jaziya, élève de Ibn Taymiya, est cité comme référence par l’imâm de Bordeaux Tareq Oubrou dans son livre Profession imâm, Albin Michel 2010 (tout comme Ibn Taymiya à trois reprises!). Nous avions explicité dans Ces Maires qui courtisent l’islamisme (Tatamis, 2010) la théorie du djihad offensif chez Al-Jaziya, auteur cher aux imams de l’UOIF soutenus localement par l’UMP et le PS…

Observatoire de l’islamisation, avril 2013