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25 juillet 2015 | Comprendre l'islam

Les 3 visages du Coran : origines, construction et remaniements d’un livre humain

Interview de Leila Qadr pour son ouvrage Les 3 visages du Coran aux éditions de Paris (2014) co écrit avec Arrun Amine Saad Edine, faisant le point sur les dernières recherches historiques, archéologiques, scripturaires, expliquant la construction du Coran. La construction progressive du livre a compilé des bribes de la Bible, des apocryphes bibliques, de midrash juifs, et des fabliaux de l’époque. Chaque récit coranique trouve sa source dans des textes pré-existants. « Le Rappel » est le mot désignant le Coran dans… le Coran. Rien de nouveau dans cette recomposition. Le nom de Muhammad est présent seulement 4 fois sans parenthèses, et est massivement présent entre parenthèse. Pourquoi ?

Selon le projet de recherche corpus coranicum de l’université de Berlin-Branderburgishe qui dispose d’un fond unique au monde de photos de primo corans (voir ce documentaire Arte sur le sujet) :

« L’épigraphie himyarite et aksûmite, domaines dans lesquels des découvertes majeures ont été faites au cours du dernier demi-siècle, modifie radicalement la chronologie de certains emprunts : on a découvert que des termes aussi importants que salât (« prière ») et zakât (« aumône légale ») sont déjà utilisés dans l’épigraphie himyarite plus de 200 ans avant l’islam ».

Voir ces exemples d’emprunts du Coran à des textes pré existants, d’où ont été « pompés » les thèmes coraniques du paradis sensuel, des sanctions pénales, du ramadan, du sauvetage d’Abraham de la fournaise par l’Ange Gabriel, etc…

Exemple 1 : La chute d’Adam et Eve

Selon le Coran, les Anges ont désapprouvé le choix de Dieu de créer l’homme, puis l’ange Iblis (Satan) a été chassé du paradis, pour n’avoir orgueilleusement pas voulu se prosterner devant Adam (Coran, sourate 2/versets 30 et 33 et sourate 7/verset 12) :

Geneviève Gobillot, professeur de civilisation et histoire des idées arabo-musulmanes à l’université Jean-Moulin de Lyon fait le constat suivant :

« Enfin les anges sont les témoins de la création et font part à Dieu de leur scepticisme sur son bien-fondé : Vas-tu établir quelqu’un qui fera le mal ? » (2,30).Dans les apocryphes, cette protestation contre l’homme émane des éléments de la nature : astres, fleuves, terre (voir, entre autres, l’Apocalypse de Paul). Cette création est, de plus, l’occasion de la chute d’Iblis, ange déchu pour avoir refusé de se prosterner devant Adam. La source de cet événement est judéo-chrétienne : la Vie d’Adam et Eve (latine ; 12-16) et les Questions de Barthélemy (4,54-55). « Lorsque je revins des extrémités du monde, Michel me dit : « Prosterne-toi devant l’image de Dieu, qu’il a façonné selon sa ressemblance, qu’il a façonnée selon sa ressemblance ». Mais je répondis : « Moi qui suis feu issu du feu, le premier ange a avoir été façonné, je devrais me prosterner devant l’argile et la matière ?  » Michel me dit : « Prosterne-toi afin que Dieu ne s’irrite pas contre toi » Je répondis : « Non Dieu ne s’irritera pas contre moi, mais j’établirai mon trône en face de son trône et je serai comme lui ». Alors Dieu s’irrita contre moi et me précipita en bas ». (Questions de Barthélémy, 4,55-56) … (Dictionnaire du Coran, sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi, article « Anges, Angéologie », Paris, éditions Robert Laffont, 2007, page 53.)

Exemple 2 : Le repentir d’Adam après la chute

Selon le Coran, Adam s’est repenti de sa faute, ayant entraîné sa chute, et Allah l’a accepté (Sourate 2/verset37). Hichem Djaït, islamologue tunisien explique les sources apocryphes judéo-chrétiennes du Coran:

« Autre exemple : la repentance d’Adam après le péché originel, inexistante dans l’Ancien Testament mais que l’on retrouve dans le Talmud (Erouvim, 18 b) ainsi que dans La vie d’Adam et Eve, dans l’Apocalypse de Moïse et dans le Livre d’Henoch (32). Les concordances entre le Qu’rân et ce dernier texte sont particulièrement fréquentes. » (Hichem Djaït, La vie de Muhammad II La prédication prophétique à La Mecque, chapitre V, Le problème des influences chrétiennes, Fayard, 2008, page 287)

Exemple 3 : Abraham jeté dans une fournaise

Selon le Coran, Abraham, pour avoir refusé l’idolâtrie et brisé les idoles de ses compatriotes, fut condamné à être jeté dans le feu, mais par miracle, il ne pas brûlé (Sourate 21/versets 69-70). Maurice-Ruben Ayoun (1952-…), docteur ès-orientales, directeur du Centre de recherches et d’études hébraïques de l’Université Strasbourg II, note :

« Le traité talmudique Pessahim (fol.118a) nous apprend que c’est l’ange Gabriel qui l’a sauvé de la fournaise à laquelle l’avait condamné le roi idolâtre Nimrod, un détail qui sera largement repris par le Coran. » (Maurice R. Ayoun, Abraham, un patriarche dans l’histoire, Ellipses, 2009, page 149)

Exemple 4 : Des Juifs changés en singes et en porcs

Daniel De Smet, directeur de recherches du CNRS et professeur de philosophie de langue arabe à l’Institut supérieur de philosophie de l’Université catholique de Louvain (Belgique) note, à propos de la transformation des Juifs en singes et/ou en porcs dans le Coran (Sourate 2/verset 65 et Sourate 5/verset 60) :

« Il est probable que ces versets laissent transparaître une tradition juive, puisque selon le Talmud (Sanhédrin 109a) une partie des ouvriers affectés à la construction de la tour de Babel furent changés en singes. Quoi qu’il en soit, le choix des animaux, singes et porcs, reflète le dégout qu’ils suscitaient dans le monde sémitique. » (Daniel De Smet in Dictionnaire du Coran, sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi, article « Métamorphose », Paris, éditions Robert Laffont, 2007, page. 552)

Exemple 5 : La sacralité de la vie

Le Coran déclare que « quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes » (Sourate 5/verset 31). Michel Cuypers et Geneviève Gobillot relèvent le plagiat :

« Ce texte, hormis la parenthèse justifiant la mise à mort du meurtrier ou du « corrupteur de la Terre » est une citation littérale de certaines versions de la Mishah (Sanhédrin IV, 5), compilations de lois juives datant du IIIe siècle après J.C (Le Coran, Éditions Le Cavalier Bleu, collection « Idées reçues », 2007).

Exemple 6 : La sourate Al-Fatiha

Mondher Sfar, islamologue tunisien, ayant enseigné à la Sorbonne, évoque une étude comparée entre la première sourate du Coran et le premier Psaume, qui fait apparaître de larges empreints :

Citons un cas concret récemment découvert par le moine Lucien-Jean Bord à propos de la source d’inspiration de la Fâtiha, ou Liminaire, la sourate qui inaugure le livre du Coran. Le Frère Bord a montré l’étonnante affinité du premier texte coranique avec le psaume premier de la Bible. Citons tout de suite ce psaume selon la traduction d’Osty-Trinquet utilisée par cet auteur : « 1) Heureux l’homme qui ne marche pas suivant le conseil des méchants, qui ne se tient pas dans le chemin des pécheurs et qui ne s’assied pas dans le cercle des moqueurs, 2) mais qui prend son plaisir en la loi de IHVH et murmure sa loi jour et nuit. 3) Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau qui donne son fruit en son temps et dont le feuillage ne flétrit pas. Et tout ce qu’il fait réussit. 4) Rien de tel pour les méchants, rien de tel ! ils sont comme la bale que chasse le vent. 5) Aussi, lors du Jour du jugement, les méchants ne tiendront, ni les pécheurs dans la communauté des justes, 6) car IHVH connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perd. » Maintenant, lisons la Fâtiha : « Louange à [108] Allah, Seigneur des Mondes, bienfaiteur miséricordieux, Souverain du Jour du Jugement ! C’est Toi que nous adorons, Toi dont nous demandons l’aide ! Conduis-nous sur le chemin droit, le Chemin de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits, [le Chemin de] ceux qui n’encourent pas Ta colère et qui ne se sont pas égarés. » L’on voit bien ici la similitude des deux textes quant au thème essentiel opposant le Chemin des justes à celui des pécheurs avec pour arrière-fond l’idée du Jour du Jugement. Ce rapprochement entre les deux textes n’est certainement pas dû au hasard, car le Coran a consacré au thème des psaumes une place de choix. » (Sfar, Le Coran est-il authentique, Sfar éditons, 2000, page 88)

Exemple 7 : les peines légales

Mohammed Hocine Benkheira (Ecole Pratique des Hautes Études) :

Si la réclusion à perpétuité est peut-être un emprunt à la législation byzantine, la flagellation est inspirée par la loi juive qui (Lév 19,20-22) applique ce châtiment à l’esclave adultère. (Dictionnaire du Coran sous la direction de Mohammed Ali Amir-Moezzi, article « adultère » Paris, Robert Laffont, 2007, page 31)

Eric Chaumont, chargé de recherches au CNRS, spécialiste du droit musulman :

L’amputation du membre « fautif » d’un voleur- sa main-, selon Mâwardî, était déjà d’usage en Arabie préislamique. Quoi qu’il en soit, il est certain que le droit romain connaissait cette forme de châtiment. (Erich Chaumont in Dictionnaire du Coran sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi, article : « peines coraniques fixes », Paris, éditions Robert Laffont, 2007, page 665).

Exemple 8 : le style des devins arabes

Mohammed Hocine Benkheira, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, spécialiste du droit musulman :

Plusieurs sourates, probablement parmi les plus anciennes, contiennent des serments (notamment 81,15-18 ; 84,16-19 ; 85, 1-3), et à cet égard, le style coranique se rapproche de celui des devins arabes… Dans la société arabe ancienne comme dans les sociétés de l’Orient ancien, le serment (yamîn) occupe en effet une place importante. (Dictionnaire du Coran sous la direction de Mohammed Ali Amir-Moezzi, article « serments », page 814)

Exemple 9 : Le paradis dans le Coran et chez Ephrem

« Celui qui s’est privé de vin jusqu’à la mort sera attendu avec ardeur dans les vignes du paradis » écrivait Ephrem de Nisibe dans ses Hymnes, chapitre Les habitants. Hichem Djaït dans sa biographie de Muhammad, compare les descriptions du paradis chez Ephrem de Nisibe (dit aussi le Syrien) et dans le Coran :

« Ce père de l’Église nous a légué des écrits en grec et en syriaque. Dans ses prêches au petit peuple (homélies), chrétiens et païens réunis, il y a quantité d’opinions dont on retrouve des échos dans le texte coraniqueLes ressemblances sont telles que l’historien peut difficilement les considérer comme fortuites… Car il ne s’agit pas de similitudes uniquement dans les idées, mais également dans l’expression, le style et de registre métaphorique. […] Chez Ephrem aussi, les signes annonciateurs de la fin des temps sont apocalyptiques : retournement des cieux, chute des étoiles, éclipse du Soleil, fusion des Montagnes…Les premières sourates du Qur’ân, on le sait racontent les mêmes scènes dans un expressionnisme d’une grande éloquence… […] l’imagerie des deux coups de trompettes du Jugement chez Ephrem rappelle le verset 68 de la sourate Al-Zumar (Par vagues) ; l’avènement fulgurant, en un clin d’œil, du Jour dernier chez Ephrem est comparable à ce qu’on peut lire dans le verset d’Al-Nahl (les Abeilles) : « Ordonner l’heure est pour Lui comme un clin d’œil, ou plus expéditif encore » (XVI, 77)… Ce jour là, les pécheurs seront perclus de remords pour s’être moqués de la Révélation et de la guidance : « Comment avons-nous pu ironiser à l’écoute du Livre (saint) ? », dit Ephrem. Les mêmes représentations dans les mêmes termes, sont maintes fois répétées dans le Qur’ân.Ces similitudes ne se limitent pas à la description de la fin du monde et à celle du JugementLe patrimoine de l’Eglise syrienne se représente le paradis de manière très proche des images coraniques. […] Au-delà du christianisme populaire, les Pères de l’Eglise eux-mêmes ont imaginé un paradis fait de plaisirs éternels, identiques à celui de la tradition juive. On retrouve cette image chez Iréné ou chez Papias lorsqu’ils décrivent les vignes géantes offertes aux fidèles qui ont mérité le paradis. […] En développant sa conception sensualiste d’un paradis de jouissance pure, Ephrem écrivait à l’intention des moines vivant dans l’austérité et la privation, ou à celle des simples païens. De la même manière, Muhammad s’adressait à des Arabes démunis, éprouvés par les difficultés de subsistance et par la chaleur inexorable du soleil d’Arabie, assoiffés de plaisirs charnels et terrifiés par l‘idée d’un châtiment infernal…. Les hommes, absorbés par les futilités de la vie d’ici-bas, vivent dans l’inconscience de l’au-delà, comme dans une sorte d’indifférence. C’est là une des idées forces d’Ephrem… Le thème des cités détruites suite aux catastrophes provoquées par la colère de Dieu est récurent dans ses sermons. » (Djaït, La vie de Muhammad, La prédication prophétique à La Mecque, Fayard, Le problème des influences chrétiennes, pages 267, 268, 269 272, 273)

À la Kabba de la Mecque, deux icônes subsistent, l’une de la Vierge à l’enfant et une autre d’Abraham contre Hubal avec des flèches divinatoires en main. Hubal est une figure classique des sanctuaires nabatéens. Pour Barbara Finster qui a réalisé des études architecturales, l’amalgame de plusieurs figures est typique du syncrétisme qui veut s’installer. Dans beaucoup de mosquées cubiques au Yémen, le motif de la croix est encore visible dans les mosaïques du sol. La vigne est le motif du vin céleste promis aux élus de ces hymnes. « Chacune lui tend son raisin suspendu. Et si quelqu’un a vécu dans la virginité, elles le recevront dans leur sein pur, parce que comme moine il n’est pas tombé dans le lit et le sein d’un amour terrestre ». Ce motif est présent dans les mosquées du 8ème siècle. D’ailleurs Christophe Luxenberg souligne la qualité mauvaise de la traduction du syriaque « Houris » qui seraient seulement des « raisins blancs », donc dommage pour les kamikazes qui n’auront que du jus de raisin au paradis ! Dans les églises de Syrie, le raisin est associé à la joie céleste. Cette traduction est confirmée par l’abondance dans la liturgie syriaques du thème du raisin blanc représenté dans les icônes du 6ème siècle et par la récurrence des images du paradis toujours associés aux fruits « les pieux seront parmi les ombrages et mangeront des fruits selon leur désir » (Coran, sourate 77-42) à rapprocher de l’évangile Mt 26,29 : « Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ».

Exemple 10 : Les sourates 2 et 96, syncrétisme d’emprunts divers

La sourate 96, qui passe pour être la première « révélée » à Muhammad est comme l’explique, Alfred-Louis de Prémare, jadis universitaire à Provence Aix-Marseille I, le produit de matériaux divers :

« On retrouve dans ce texte, ramassés et synthétisés en cinq versets, plusieurs expressions ou thèmes issus de la Bible et des pseudépigraphes juifs : le « proclame » du prophète Isaïe (qera) et le « appeler le nom » de Dieu des Psaumes (qera be shem) ; la « goutte » infime à partir de laquelle se développe l’embryon humain, thème des traditions rabbiniques ; « le calame» d’Hénoch écrivant les livres sacrés sous la dictée d’un ange pour « faire connaître à l’homme ce qu’il ignorait. » (Alfred de Prémare, Les fondations de l’Islam: entre écriture et histoire, Éd. du Seuil, 2002, page 311)

Quand à la formule « Allah, pas de divinité excepté Lui le Vivant, le Subsistant » contenue dans le fameux « verset du trône » (Sourate 2/255), si prisée des musulmans, de Prémare écrit :

« La formule « pas de divinité excepté Lui» est courante dans différents livres de la Bible. La formule « Lui le Vivant, le Subsistant » se trouve en araméen dans le livre biblique de Daniel, et dans les traductions araméennes paraphrasées du Pentateuque : huwa êlâhâ Hayya w Qayyâm… Cette phrase se retrouvera dans le Coran sous la forme huwa al-Hayy al-Qayyûm 812 (Alfred de Prémare, Les fondations de l’Islam: entre écriture et histoire, Éd. du Seuil, 2002, page 312).

Exemple 11 : La jizya

L’impôt de capitation que les « Gens du Livre » sont priés de bien vouloir acquitter pour pouvoir conserver leur foi dans un état islamique, est à l’origine… une pratique perse :

« L’impôt de capitation, parallèle à l’impôt foncier, était pratiqué par les administrations fiscales antérieures, byzantine mais surtout perse. Chez les Perses, sous le règne de Shapûr II [309-379J, les Sassanides percevaient des chrétiens une capitation et un impôt foncier doubles en échange dela paix dont ils jouissaient58. Par ailleurs, on attribue au souverain Khusraw Ier Anu-shirwân [531-579] une réforme fiscale selon laquelle l’impôt foncier, au lieu d’être établi sur la base d’un partage de la récolte, serait fixé sur la base d’un mesurage des terres ; quant à l’impôt de capitation, il devait être établi en fonction des revenus du contribuable […] Il apparaît, en fait, que l’impôt de capitation était à l’origine une institution profane, pratiquée par les pouvoirs antérieurs à celui des conquérants musulmans. La question est donc de savoir pourquoi ces derniers, qu’il s’agisse de Muhammad ou de ses successeurs, lui ont donné la caution d’une parole dite divine. » (Alfred de Prémare, Les fondations de l’Islam: entre écriture et histoire, Éd. du Seuil, 2002, pages 188-189)

Exemple 12 : Modalité de l’observation du ramadan

Le grand orientaliste, Bernard Lewis :

« Selon la loi musulmane, l’obligation de jeûner pendant le Ramadan ne s’applique que pendant la journée. La nuit, c’est-à-dire depuis le coucher jusqu’au lever du soleil, il est permis de boire et de manger le jeûne reprend l’aube, « lorsqu’on peut distinguer un fil blanc d’un fil noir » (Coran, II, 187). Abraham Geiger a été le premier à attirer l’attention sur la ressemblance entre ce commandement et la maxime talmudique qui définit, pour les besoins de la récitation du Shema, l’aube comme le moment où l’on peut distinguer le bleu du blanc ou, selon une autre opinion, le bleu du vert. Le Talmud de Jérusalem est plus concret et parle du châle de prière dont les « franges » contiennent un fil bleu. Dans ce cas, comme dans celui de la sainteté de Jérusalem, l’antériorité ne fait aucun doute. La Michna et la Guémara, de Babylone et de Jérusalem, ont été achevés bien avant l’avènement de l’islam. La ressemblance est suffisamment grande pour suggérer au moins l’existence d’un lien ; même la différence de couleur – noir et blanc au lieu de bleu et blanc et vert – peut être mise sur le compte d’une volonté délibérer de se démarquer, au même titre que l’adoption du dimanche et plus tard du vendredi au lieu du samedi, comme jour de prière publique. » (Bernard Lewis, Islam, Quarto Gallimard, 2005, pages 517-518)