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27 novembre 2015 | Actualités

Des livres appelant au djihad toujours en rayon (Le Figaro)

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Lire nos précédents articles, plus complets sur ce scandale ici et ici. interview de Joachim Véliocas ici.

Le Figaro – Publié le 26/11/2015 – édition papier et Figaro Premium

Plusieurs ouvrages prônant la mort des «hérétiques» sont disponibles à la Fnac, qui se défend d’en faire la promotion.

Tandis que les autorités multiplient les annonces sur la lutte contre l’islam radical, des livres appelant au djihad sont toujours vendus en magasin. Après le reportage du Figaro, en juillet 2014, sur la présence, dans les rayonnages de Carrefour et de la Fnac notamment, d’ouvrages prônant la mort des «hérétiques», et alors qu’une pétition demandant leur retrait avait recueilli plus de 17.000 signatures, le ministère de l’Intérieur expliquait ne pas avoir «les moyens juridiques pour interdire de tels livres». «Il y a appel au djihad, mais pas au terrorisme», se justifiait-il à l’époque. «Ça, c’était l’an dernier!, s’exclame Malika Sorel-Sutter, auteur de Décomposition française*. Nos morts ne leur suffisent-ils pas pour agir? À présent, ils savent que djihad = appel aux meurtres des “mécréants”. Ils ne peuvent donc plus cautionner. Et aujourd’hui, la législation permet d’empêcher que ne soient relayés les appels aux meurtres.» Une procédure judiciaire a été lancée en juin 2015 par l’association Avocats sans frontières.
Sur la quatrième de couverture de La Voie du musulman, édité en 2014, on peut lire que l’auteur, le cheikh algérien Abu Bakr al-Jazairi, «laisse transpirer ici des solutions conformes aux exigences du monde moderne». «Il faut que tous les musulmans, formant un seul ou plusieurs États séparés, s’équipent de toutes sortes d’armes. Ils doivent aussi se perfectionner et s’améliorer dans l’art militaire défensif et offensif, pour se défendre et attaquer au moment opportun pour que le verbe de Dieu triomphe et pour répandre la justice et la paix sur terre», préconise-t-il, entre autres. Dans son ouvrage Le Licite et l’Illicite, (Éditions al-Qalam, 2001), le cheikh Yussuf al-Qaradawi prescrit l’élimination des homosexuels: «Est-ce que l’on tue l’actif et le passif?, se demande-t-il. Par quel moyen? Est-ce avec un sabre ou le feu, ou en les jetant du haut d’un mur? Cette sévérité qui semblerait inhumaine n’est qu’un moyen pour épurer la société islamique de ces êtres nocifs qui ne conduisent qu’à la perte de l’humanité.» Dans Les Jardins des vertueux, de l’imam sunnite An-Nawawi, un chapitre est consacré au «mérite de la guerre sainte». On y lit, par exemple, que les croyants «combattent pour la cause de Dieu en tuant et en se faisant tuer».
Le premier n’est plus en rayon, assure-t-on à la Fnac. Mais disponible sur son site Internet, comme Le Licite et l’Illicite. Quant au troisième, il a été repéré par Le Figaro en magasin, en plusieurs exemplaires, jeudi dernier. Sur le site de l’enseigne, la «note du vendeur» lui attribue 4,69 sur 5.
En outre, un nouvel ouvrage est apparu sur les étagères de la Fnac: le Livre de l’exhortation du bien et de l’interdiction du mal, du théologien du XIe siècle al-Ghazali (paru en octobre 2014 aux Éditions Al Bouraq). L’auteur y recommande le recours à la force pour faire taire les instruments de musique. «Il est interdit de pénétrer dans la maison de celui qui ferme la porte et se protège derrière ses murs, pour connaître ses ma’siyya (activités blâmables), sauf si on les distingue clairement comme le son des flûtes et des luths qu’on entend de l’extérieur. Celui qui entend distinctement ces sons est autorisé à entrer et à détruire ces instruments». Quelques pages plus loin, on apprend: «Cela peut aussi conduire à la mobilisation de soldats pour la cause de Dieu et pour défendre ses interdits. Et comme il est permis que les soldats se rassemblent pour aller combattre les incroyants et les soumettre, nous retenons tout autant permis de soumettre et de réprimer les corrompus et les débauchés. Il n’y a aucun mal à tuer un incroyant et le musulman qui tombe au combat acquiert le statut de martyr.»
Chez Carrefour, on assure «ne plus vendre ce type de livres». Mais en 2014, il s’agissait d’une opération ponctuelle, pour le ramadan. N’y aura-t-il plus d’«opération ramadan» l’an prochain? Là, l’enseigne refuse de répondre. À la Fnac, on explique que l’«on ne peut pas se substituer aux rôles des pouvoirs publics» et que l’«on n’a pas à censurer une œuvre quelle qu’elle soit». «Il n’empêche que la Fnac ne fait aucune promotion, aucune mise en avant de ce genre de livres, insiste le service communication. On voit bien que certains mériteraient d’être censurés! Mais on serait attaqués par les maisons d’édition, et en plus de leur offrir un coup de pub, on perdrait le procès…».
Directeur de l’Observatoire de l’islamisation, Joachim Veliocas, qui a sollicité Avocats sans frontières, se dit «scandalisé par cette banalisation de l’islamisme radical». «En vendant dans le rayon islam des livres d’extrémistes salafistes aux côtés d’ouvrages de vulgarisation, souligne-t-il, la Fnac contribue à créer l’amalgame entre les musulmans et l’islam radical.» Dans sa plainte contre la Fnac pour complicité de provocation à la violence, à la haine raciale et aux actes de terrorisme, Me Gilles-William Goldnadel, président d’Avocats sans frontières, écrit que cette «mise à disposition du grand public d’“outils de guerre” est d’autant plus inacceptable que son ampleur est colossale» étant donné la large implantation de l’enseigne en France.
Par un courrier du 12 août 2015 à Me Goldnadel, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, le conforte d’ailleurs dans son action. Il affirme que «dans les ouvrages d’inspiration religieuse, s’il est possible de s’exprimer par référence à des passages violents figurant dans un livre sacré, les propos doivent être mesurés et respecter les prescriptions posées par la loi française». Mais la section presse du Parquet de Paris, «très réactive lorsqu’il s’agit d’islamophobie», selon Me Goldnadel, «s’est montrée d’une inertie totale à réception de la plainte». Pour l’instant.
*Ed. Fayard